vendredi 4 décembre 2015

TALLYRRA


TALLYRRA








Le rêveur n'a pas encore commencé à recevoir les premières images qu'une multitude de senteurs viennent exalter son odorat. Il lui semble en reconnaître quelques unes. Pour les autres, ils n'arrivent pas à lui associer le nom d'une plante. Ce sont, maintenant, ses oreilles qui le renseignent sur son lieu d'arrivée. Il reconnaît le vent qui souffle dans une multitude de feuilles. Elles semblent si nombreuses qu'il se croirait en forêt. Lorsqu'il reconnaît le son de la pluie, sa peau réagit. Elle imite la sensation qu'une douche lui procure car la température de cette eau est aussi chaude.
Enfin, le voile se lève sur un nouveau flux d'images. De hauts arbres s'élèvent, partout autour de lui. Des trombes d'eaux s’abattent sur ses contrées. De vastes passerelles permettent le déplacement d'arbres en arbres. Il y en a sur plusieurs étages. Elles sont suffisamment larges pour pouvoir marcher à quatre de front. En y regardant de plus près, on a l'impression de déambuler sur des branches monumentales et plates. Les rambardes sont un mix de branches plus petites et de grosses feuilles d'un vert profond. De petites créatures vont et viennent à leurs guises. En les regardant mieux, on reconnaît des poneys, mais ceux-ci ne sont pas plus grand qu'un merle. Ils arrivent même à se faire courser par de petits oiseaux aux ailes quasi-inexistantes et à la coloration digne des plus beaux perroquets.
Un groupe d'êtres humains s'approchent. Ils sont totalement nus. Leurs peaux sont d'un blanc jamais vu, auparavant. Ils arborent de longues chevelures mais le reste de leurs corps est imberbe. Bien évidemment, ils sont trempés. Ceci dit, ils ne donnent pas l'impression d'être, sous la pluie. Une jeune femme s'approche de notre rêveur. Elle l'embrasse. Du coup, il prend conscience de sa présence dans cet ailleurs inconnu. Son corps est mouillé mais il en a cure car il est dans un hamac, dehors... Par une chaude nuit d'été et il n'est pas impossible que la pluie tombe réellement sur lui.
_ Viens, on doit aller s'entraîner....
Le groupe de jeunes gens parcourt, à grande vitesse, la passerelle. De temps à autres, ils descendent d'un étage puis bifurquent, tantôt vers le Nord, tantôt vers l'Est. Les autochtones qu'ils croisent, on l'air d'être jeune. En tout cas, les peaux ne sont pas ridés... Et, ce même si certaines chevelures ont finit par virer au blanc ou au gris. De temps en temps, ils passent devant une petite maison, constituée d'une seule pièce. Un hamac permet de s'y reposer.
Un clignement d'images plus tard, le groupe marche sur la terre ferme... Dans la boue, plutôt. Ils passent devant un grand bâtiment circulaire où trône une carte de la planète. Un gros point rouge est placé au Nord-Est d'une île isolée dont les mensurations doivent être de mille kilomètres. Centrée sur l'équateur, elle est entouré par un vaste cercle gris, à l'intérieur duquel figure des nuages.
_ T'inquiètes pas, Éternité, la dépression statique n'a pas bougée d'un iota.... Et, tiens regardes, cela fait plus de quatre cent ans que la pluie ne s'est pas arrêtée, ici-bas....
En contournant l'édifice, ils passent devant plusieurs jardinières de fleurs très colorées et très odorantes. Plusieurs espèces de papillons et de bourdons se relayent pour collecter le pollen. Ils parcourent une centaine de mètres avant de se trouver devant un édifice de forme ovale. Un petit pont de bois permet d'enjamber une petite rivière. Des cataractes servent de mûrs. De temps en temps, un pilier blanc vient rappeler la nature artificielle des lieux. Les autochtones traversent le flux d'eau. Ils descendent les trois marches qui suivent et qui font le tour de la structure. Il n'y a pas de toit. Juste une arche qui permet l'acheminement et le largage de l'élément liquide. L'intérieur est spacieux.... Suffisamment pour accueillir une petite centaine de personnes.
_ Bonjour, jeunes gens.
Plusieurs femmes les accueillent. Elles arborent toutes une marque de naissance, sur l'un des fessiers, le bas-ventre ou sur l’omoplate. Ici, en l’occurrence, il s'agit d'une licorne ailée. Leurs chevelures contiennent une multitude de petites tresses. Les embrassades fusent.
_ Bonjour, les prêtresses d'Ayana.
_ Bienvenue à vous tous.... Aujourd'hui, nous allons vous faire passer votre examen télékinétique de niveau trois.
Un cube d'un mètre de côté, jusque là ignoré, est soudain, digne d'intérêt. De couleur blanche, il intrigue le groupe de jeunes.
_ Comme tous les humains de TALLYRRA, notre île bien aimée , vous devez être capable de pouvoir soulever des charges lourdes.... Juste par la force de votre esprit....
_ Pour passer à l'étape suivante, il vous faudra amener cet objet de vingt-cinq kilos jusque vers l'homme que l'on voit tout là-haut, dans les arbres.
Avec la main, elle leurs montre un homme qui fait de grands signes.
_ Un dernier détail... C'est mon mari alors ne me l'abîmez pas.
_ Sans indiscrétion.... Il est à combien de distance ??
_ Comme d'habitude.... A cent mètres du sol et vingt-cinq vers le Nord.
Ces indications permettent de mesurer la grande hauteur des arbres locaux. L'homme semble loin de la cime de celui qui le soutient. Quant à leurs diamètres, plusieurs hommes seraient nécessaires pour l'enserrer.

Un clignement d’œil plus tard, la « compagne » de notre rêveur est dans la position du tailleur. Elle se concentre, en fermant les yeux. Lorsqu'elle les ouvre, le cube commence à s'ébrouer. Ses amis reculent de plusieurs pas. Le silence est de mise. L'objet décolle. Il tremble beaucoup mais sa trajectoire semble limpide. A présent, il est plus haut que la jeune femme. Sans bouger d'un iota, la tallyrranne suit avec attention, l'avancée de l'objet. Dans l'assistance, la tension est à son comble. L'exercice commence à traîner en longueur, la respiration de la télékinétique se fait haletante. Le cube n'est plus très loin de sa destination. Tout là-haut, l'homme recule un petit peu.
_ Bravo, Élise.
L'objet ayant atteint l'objectif, c'est forcément un soulagement. Épuisée, la jeune femme reçoit une petite douzaine de bisous puis de câlins de félicitations.
_ Félicitations... Tu vas pouvoir t'entraîner au niveau quatre.
A présent, c'est au tour du rêveur de devoir passer son examen. Il imite sa compagne. Il ferme ses yeux pour acquérir un peu de concentration puis lorsqu'il les ouvre, il fixe l'objet qui se trouve, à nouveau, au centre de l'édifice. Par contre, rien ne se passe comme espéré. Le cube n'arrive pas à décoller mais manque de percuter l'une des prêtresses. Alors qu'il pense avoir réussit à faire le plus dur, l'objet bascule, tête en bas. Ses amis peinent à retenir leurs émotions. La course folle de l'objet en lévitation, le fait traverser, à plusieurs reprises, les mûrs d'eaux. Dans une dernière embardée, il finit par percuter le rêveur qui, du coup, relâche son attention. Et, c'est dans un grand fracas que se termine l'expérience.
_ C'est pas grave... J'ai dû m'y reprendre à trois fois pour réussir.... Et je suis prêtresse....
_ … De toutes manières, tu pourras retenter le coup, d'ici un mois... Mais la prochaine fois, évites de guérir une Cornesdâges, la veille.
_ Quel est le rapport ?
_ Tout, justement.... Vous puisez dans votre énergie vitale et il faut plusieurs jours pour récupérer.
_ Surtout quant on connaît l'étendue de la blessure.... Et l'espèce, en question.....
_ D'ailleurs, j'aimerais bien aller la voir....
_ Vas et emmènes, Élise.... ça lui évitera de se ronger tous les ongles....
_ OK...

Un clignement d'images plus tard, nous retrouvons le couple sur une vaste plage de sable fin. La forêt n'est jamais bien loin. De fortes vagues viennent rappeler que Tallyrra est, sous l'influence permanente d’Éternité, une vaste dépression continentale. Quelques autochtones se baignent, tranquillement tandis que les amoureux reportent leurs attentions sur l'animal gigantesque qu'ils approchent. Imaginez un cheval atteignant les quatre mètres au garrot. Sur son museau, trône une ou plusieurs cornes à l’allure cristalline. Enfin, il possède une paire de larges ailes. L'envergure de celles-ci doit atteindre les neuf mètres. Probablement, en train de dormir, il ne prête pas attention aux humains qui marchent vers lui.
Lorsque le rêveur touche le pelage du cheval, celui-ci sursaute puis il hennit. Un coup d’œil de chaque coté pour mieux voir qui l’importune. Ensuite, il communique par l'esprit.
_ Comme ça, tu te décides à venir voir ton patient !
_ Oui et comment vas-tu ?
Il inspecte l'emplacement de la vilaine blessure pour voir que la cicatrisation était quasi-complète.
_ Dans quelques jours, il n'y paraîtra plus.
_ Parfait... De toutes manières, je dois rejoindre les miens, au-dessus de Valamour.
_ Pourquoi ???? Les Cornesdâges élégantes ne vont pas aussi loin, dans le Nord, d'habitude !
Le cheval ailé écarte ses ailes. Il s'arrange pour qu'aucune plume ne puisse échapper à la sagacité des humains.
_ Mince alors.... Tu es une Cornesdâges à plumes bleues !
_ Tu vois quand tu veux !
_ Comment se fait-il que tu sois arrivée, jusque là ?
_ Disons qu'ils nous arrivent de somnoler sur les courants ascendants. C'est ce que j'ai fait.... Sauf qu’Éternité m'a trouvé plus rapidement que le réveil. Je me suis crashé sur l'un de vos arbres... Désolé....
_ Il n'y a pas de mal...
La scène se fait de plus en plus lointaine. Le voile se referme.









4 décembre 2015
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